Hier je suis retournée seule à la source, je n’ai pas peur d’être seule dans la nature. Un homme était la, il m’a parlé. Son histoire avait besoin d’une oreille, une vraie, pas une reconnaissance liker sur Fb. Son histoire pesait 3 tonnes dans l’eau du ventre source qui nous berçait. J’ai écouté avec ma peau son histoire douloureuse. Ça faisait mal au monde. Mal au cœur et je me demandais pourquoi j’étais son oreille moi qui sans cesse essaie d’élever, d’alléger mes propres lourdeurs. Pas besoin d’aller loin pour que le monde soit cruel. C’est toi, c’est moi, c’est cet enfant qu’on embrigade. J’ai fondu dans l’eau chaude puis froide. «Tu as compris ?» a-t il demandé, alors que nous baignions tous deux dans le ventre de la source. «Oui» j’ai dit, nous sommes du même monde.

Aïdée, 8 juin 2017

Cascade polyphonique d’enfants aux mains «éponges», collectée et réunit en poème par Lionel Parrini lors de la résidence d’artiste à la maison Garenne, pendant les ateliers avec les enfants de l’école primaire.

Cette feuille
Ces feuilles
Dans la cuve
Le bac
L’espace
Le ciel
La lumière
DANS MES MAINS
Ce papier
J’aime ce papier
J’aime bien le toucher
Il est un peu dur
Doux comme des petites pelotes
Souple
Il ne se casse pas beaucoup
Celle-ci est douce
Y’a des paillettes
Celle-là, elle ne me chatouille
C’est beau!
C’est pas gentil de faire ça!
J’aime pas quand on arrache les feuilles de l’arbre, ça lui fait mal!
Ce papier, je l’aime bien, il fait des traits tout collés.
C’est beau la couleur mélangée entre le marron, le blanc et jaune.
J’aime sentir la paille même s’il y a du caca de vache.
Ce papier, parce qu’il fait des petites bosses, du coup, je l’aime…
Ça me fait penser à la sève de l’arbre.
Il est original.
J’aime bien la matière et en plus il sent bon!
J’aime ramasser des feuilles, des fleurs puis dessiner.
J’aime pas quand on arrache des écorces.
Tout est intéressant dans la vie.
J’adore les feuilles du lierre.
Ce papier, je l’aime parce qu’il est léger.
Quand je danse sur une couverture, je me sens légère aussi
Ecrire son nom avec de la mousse, ça fait bizarre.
J’aime bien être dans la nature.
Je fais plein de choses avec elle.
J’aime les trous, on peut y mettre un doigt.
J’ai appelé une fleur «bizarrement».
Ce papier,
Je l’aime parce qu’il est fragile.
J’ai deux amoureuses, elles sont belles.
La paille, c’est pour faire des cheveux de clown.
Je veux refaire du papier comme on a fait: j’avais le sourire.
Ce papier, je l’aime: il n’est pas comme les autres.
Je veux rester petit pour faire ce que je veux.