Voilà trois jours que je suis à l’atelier. J’essaie de comprendre comment je vais arriver à travailler ici.

Déjà l’an dernier, chez Tsuguo Yanai, j’avais adapté mon travail à son matériel. Observée ce qui l’intéressait dans la façon de verser le kozo entre les bois calés par des poids. Appris de lui comment augmenter les quantité d’eau pulvérisée pour « discuter » avec la fibre !

Ici à Echizen, c’est à nouveau un autre matériel. De grands cadres…. J’adore ! Un mixeur d’un nouveau genre qui coupe un peu les fibres mais fait de jolies pâtes. Des tables ! Je ne vais pas me plier en deux pour travailler dans mon cadre. Par contre pas de couverte ! Pas de bois pour créer une surface en réserve. Apparemment ils versent directement à l’intérieur du cadre, puis «lève » le papier une fois sec. Ça c’est bon pour des fibres fortes comme le kozo, mais avec ma dentelle et mes papier d’herbes sauvages, il va falloir que je trouve une solution !

Du coup je m’organise avec ce qui me tombe dans les mains. Les pailles trop dures d’une graminée sauvage ramassée hier, me font une petite digue sur le tamis où je verse mon mélange. Il se retrouve comme dans un nid ! J’aime le côté organique que je découvre dans cette « couverte » improvisée… La technique moins propre résonne avec mon projet « papiers sauvages, parole de l’eau ». J’adore me laisser guider par mes mains, par ce qui est là, dans tous les sens du terme. La nuit je rêve de ce que je vais faire le lendemain et le lendemain je réalise la matière du rêve de demain !

A Tokyo j’ai rendu visite à Ko Kashiwagi qui est professeur dans la section d’art de la fibre à la prestigieuse université d’Art de Tamabi. Il est d’une ressource incroyable pour moi, sur les fibres, les plantes, les techniques… Et… Il parle français ! Je ne vois pas le temps passer, entourée de broderies, tissages et papiers, recherches qu’il fait avec ses élèves.

Il me révèle : les Japonais n’aiment pas faire du papier chiffon car ils ont tellement d’estime pour leurs tissus qu’ils les usent jusqu’au bout ! Il évoque l’art Boro (un terme japonais pour désigner les vêtements faits de tissus anciens cousus les uns sur les autres pour les « rafistoler »). Je suis tellement émerveillée d’être là que j’en oublie de prendre des photos de la très belle bibliothèque de l’université réalisée par Toyo Ito.

Après une autre journée en visite avec Tsuguo Yanai dans les galeries du quartier Roppongi et au musée Mori Art où se tient une grande exposition de l’œuvre de Shiota Chiharu, je pars à Echizen où j’ai été invitée par Imadate Art Field pour une résidence de création et exposition.

Là m’attend le plus incroyable endroit où j’ai jamais dormi, une vieille maison japonaise qui fait partie du sanctuaire d’Otaki ! Yoriyasu Masuda qui est venu me chercher à la gare de Takefu à 22h, après quelques explications succuntes, me laisse seule dans ce temple dont je me fait l’honneur d’être la gardienne !

Je revois les images de « mon voisin Totoro » de Miyasaki dont je suis complètement fan, et je me fais couler un grand bain chaud avant d’aller dormir sur mon tatami… Je ne me lasse pas de mon histoire, dormir dans le sanctuaire de la déesse du papier, Kawakami Gozen, est un bonheur qui dépasse mes rêves les plus fous.

A bientôt pour la suite de mon carnet-blog de résidence d’artiste au Japon !

Aïdée