Se laisser happer par un processus.

Je travaille sur l’eau, avec l’eau,
c’est puissant, immense, primordial…

Alors je prends les plus grands formats que je trouve à l’atelier, 1m par 2m.
A la vue du temps et de l’espace d’exposition que j’ai, je décide que 9 grands formats, c’est bien. Comme une naissance.
Le processus prend en compte l’apprentissage, nouveau lieu, nouveau matériel, nouvelles plantes, nouvelles personnes.
Je me laisse guider à l’aveugle en me demandant si c’est sérieux de faire et d’exposer des “essais” d’un si grand format ?… Et de décider que ce processus sera l’œuvre que je viens faire ici.
Chaque papier fait ma taille, demande environ deux jours de rencontre avec les fibres, les cadres, l’eau, mes mains… Je ne sais pas où je vais. Y aura t-il un axe visible ? N’est-ce pas juste une série d’essais plus ou moins décoratifs ?
Reviens la question de l’inscription dans le champ de l’art contemporain… Au secours ! Arrêter le mental.
Être juste dans l’hommage, le respect, l’écoute, le bonheur, la difficulté, les erreurs, les trouvailles,… Se laisser guider par l’eau, par la relation qui s’ouvre à moi. Oser réaliser ce qui vient en rêve la nuit. Ce grand format, le 8ième que je veux mettre sous la pluie, mais il faudrait être deux et je suis seule, sera t-il possible ?

Il n’y a qu’une vie, pas d’essais. J’ai toujours aimé le risque, consciente qu’il y a un risque à prendre. Le risque de la Vie.
Le risque de la vie engage tout mon corps, tout mon être. Tout mon équilibre et mon respect pour la vie.

Être grandiose, grandiloquente et simple ?
L’eau, immense, dont je ne suis qu’une goutte, dont je suis une goutte, me contient totalement, abîme où je peux me confondre, me fondre avec, joie pure, initiatrice, dévastatrice, incontrôlable.

Fukushima, le mur contre l’océan, quel drame si les Japonais aussi se mettent à construire des murs contre les éléments ! Eux qui dans le shintoïsme aiment la Nature comme Dieux.

https://www.geo.fr/environnement/au-japon-un-mur-geant-anti-tsunamis-196836

 

Et puis ils m’ont demandé d’enlever l’œuvre « Traverser la surface » que j’avais installé quelques jours plus tôt à leur demande.

Juste pour le week-end car il y a une « tea party »…

Ça m’a contrarié. Quand j’installe une œuvre qui comporte plusieurs éléments comme celle là, je ne fais pas selon des plans. A chaque fois, j’étale mes disques au sol et je me laisse murmurer quelque chose par le lieu. C’est un moment magique ou un moment prière. Quelque chose se passe qui est donné pour ce lieu, cela me demande du temps, de la concentration, c’est un cadeau qui naît. C’est une création à chaque fois nouvelle en quelque sorte. Ensuite l’œuvre dialogue avec le lieu, quelque chose commence à vivre entre l’œuvre et le lieu.

La façon dont ils m’ont demandé de démonter l’œuvre c’était comme si je pouvais à souhait poser ou enlever un décor, un objet de valorisation, ça ne m’allait pas du tout.

Je me suis désolidarisée de cet acte, j’étais incapable émotionellement de la démonter pour la remonter juste après. Je les ai laissé démonter l’œuvre.

Je ne sais pas quand et si je serai capable de la re-installer.

A suivre…