Avec cette résidence, que penses tu apporter aux artisans papetiers d’Echizen ?” me demande Émilie Even, une française qui vit au Japon depuis 6 ans et qui se passionne pour le washi.
L’art du papier ici, subit la crise et le changement d’habitudes de vie des Japonais. Par exemple, ils n’entretiennent plus comme avant, leur habitat traditionnel composé de soji et fusuma, et préfèrent les modes de vie “modernes”. L’artisanat d’art dont s’entourent les Japonais, devient un luxe. Des savoirs faire ancestraux pourraient se perdre…
Pourtant l’organisation d’Imadate en “coopérative” papetière tente de résister économiquement et de s’adapter au monde contemporain.
Par exemple grâce à une belle équipe de bénévoles, la coopération des papetiers, une grande énergie et un amour de l’art papier avec lequel ils s’élèvent mutuellement depuis 1300 ans, Masuda San et son équipe parient sur la belle vitrine de l’art contemporain pour faire vivre et connaître le papier d’Echizen. Pour le réfléchir aussi dans nos œuvres et à travers elles.
Je ne sais pas vraiment ce que j’apporte à ce village papier d’Echizen.
Ma pratique du papier inspirée par la leur, s’affine à leurs côtés. Je fais connaissance avec les plantes à papier japonaises, connues, comme le riz, le kozo ou inconnues comme le sasa ou la dentelle de feuille de thé ou de kuzu.
En tant que femme artiste occidentale, je ne sais pas comment est perçue mon œuvre où j’ai essayé de retrouver le beau miroir de la délicatesse et de la sauvagerie féminine, à travers l’image de la déesse du papier qui vient de la rivière, donnant l’eau pure nécessaire à la fabrication d’un bon papier ; et que je perçois ici dans l’attitude des femmes (hyper au service) et dans le shamanisme shinto qui divinise la Nature. Grand écart entre l’ultra policé et le sauvage qu’ils font avec aisance et qui laisse peut être trop d’espace à l’heure actuelle où la parole et la liberté du féminin en nous, femmes et hommes qui habitons ce monde, devient urgente pour ne pas nous auto-détruire… Du moins est-ce mon analyse de l’urgence à trouver l’équilibre des extrêmes en nous, ce mariage nécessaire à la paix. Mon travail cocréatif avec les végétaux m’a aidé à percevoir cette nécessité. C’est eux qui ont rendu notre atmosphère respirable et qui pour ainsi dire ont permis notre matérialisation (nous, animaux nous ne pouvons pas créer de matière organique comme eux, juste grâce au soleil et à l’oxygène). Ils me chuchotent chaque jour vers quelle énergie invisible nous devons aspirer pour créer cette atmosphère d’amour autour de nous. J’espère un jour voir l’amour habiter un peu plus la Terre.
Les papetiers d’Echizen reprendront peut être l’idée des dentelles végétales ou de l’écriture en filigrane au jet d’eau (Kiri mizu) pour orner leur papier d’art ? Ma danse nue dans la rivière projetée comme un fantôme de lumière sur le délicat papier de plantes sauvages parlera t-elle à quelques Japonais de ce lien avec la Nature ?
Je continue de découvrir les possibilités de la création papier avec l’admirable kozo.
J’aime prendre mon temps avec ce pays. Je ne cherche pas à savoir. Les rencontres, les transmissions s’offrent ou pas. Souvent là où je ne les attendaient pas.
Je reviendrai sûrement ce printemps créer ce nuage de lumière pour l’expo prévue à Tokyo avec Tsuguo Yanai “Nos lumières et nos ombres”. Je l’imagine déjà fait de fibres de sasa, kuzu et kozo…
Après les découvertes du début et l’envie folle d’essayer toutes les plantes nouvelles pour voir ce que ça donne, j’aimerai affiner mon travail, être moins bavarde, plus précise dans les rencontres qui m’attirent. Avec les plantes et avec les gens. Résister à la facilité mais plonger dans les évidences !

Bien à vous et au plaisir de se retrouver en France où le projet d’un nouvel atelier m’attend… !

Aïdée

 

 

 

Quelques artsites et artisans d’Echizen :

Osada san

Ideaki Taki

Iwano Ichibei, trésor national vivant

La papeterie Ryozo

….

Le musée Udatsu

Les artistes rencontrés et exposants (non exhaustif)

Thomas Collet

Nicholas Cladis

Wakana Kimura

Shichio Minato

Ryuu Riketu

Toby Kobayashi

Junko Tsujii

Paper Ensemble

Yasko

 

Le blog sur le papier Japonais d’Émilie Even