En art ce qui est le plus difficile, selon moi, c’est d’être simple. Pour l’être, je dois passer par des états multiples, me rencontrer sous différentes formes, me regarder dans différents miroirs et tout à coup, quelque chose est là. Je ne sais jamais combien de temps ça va durer sauf quand il y a un cadre avec restitution-exposition. C’est là que j’ai découvert que finalement je pouvais tout le temps être, être tout simplement, donner à voir matières et formes à un instant donné. Tout en restant dans mes complexités de regards, quelque chose peut naître, que j’extrais de moi pour faire œuvre.

J’aime toujours ce jeu de l’attente, comme de celle d’un enfant sauf que je ne sais pas de quelle espèce je suis enceinte, combien de temps va durer la gestation. Comment je vais être transformée, métamorphoser… Sentir le déclenchement naturel de l’accouchement, c’est vraiment merveilleux, addictif, puis vient la jouissance de la naissance.

C’est parce que je suis surprise que je sens que la création est là. Et c’est infini… Il y a toujours du malaise, du bonheur, des chutes, des envols. Des attachements, des silences, des invitations.

Un ami me demandait si je ne cherchais pas ces zones obscures pour créer finalement, comme une fouineuse de personnages peu recommandables afin de me sauver moi même par mes plus beaux poèmes… Ça me dérangeait qu’il pense cela, même s’il y a surprise, c’est quand même toujours vexant de se faire attraper en pleine masturbation alors que vous pensiez être 2 à jouer !

Puis j’ai accepté ces rencontres avec ceux qui servaient le mieux mes personnages pour plonger avec eux dans les aventures sinueuses, romantiques, extatiques, froides,… Au fur et à mesure c’est devenu comme un jeu, de trouvailles en trouvailles, je me suis rendue compte que j’étais toujours merveilleusement servie par ces miroirs tendus par la vie. J’ai appris à être plus fine, à reconnaître ceux avec lesquels je vibrais le plus, et ce jeu m’a amené à m’aimer encore d’avantage, jusque dans mes failles les plus obscures, la séductrice, la papillonne, la guerrière, la chieuse, ouf et aussi la dictatrice et évidemment la blessée en souffrance… Je crois que sur ce chemin, j’apprends à être détachée tout en gardant cet élan vers l’autre. Ce sentiment que tout est plus beau car je t’ai aperçu ne serait ce qu’un instant furtif et que dans cet iris nous étions deux et un en même temps.

10 avril 2020

Après 24 jours de confinement !

Aïdée