Ici tout me ramène aux racines.

Je commence la journée par un feu, pour mettre à bouillir les plantes ramassées la veille ou le matin même. Le jour se lève tôt et se couche tôt, nous sommes proche de l’équateur.

J’aime commencer par l’énergie du feu qui va nettoyer la chair et la peau des feuilles et des tiges pour ne garder que les fibres. J’ajoute de la base à cette eau. Depuis plusieurs années je travaille avec la soude caustique en France, c’est la molécule de synthèse de la soude que l’on peut trouver naturelle dans une solution de lessive de cendre par exemple. Ici au Costa Rica, impossible de trouver de la soude caustique, je trouve des produits avec plus ou moins de soude ou du PH + de piscine sans indication d’ingrédients… Et ça ne marche pas bien, ça ne lave pas bien…. Je suis extrêmement déçue de ne pas pouvoir jouer avec ma potion magique habituelle pour découvrir le squelette de ces feuilles incroyables des espèces tropicales. Je finis par faire un grand feu pour faire de la cendre afin de réaliser ma propre lessive de cendre. La solution obtenue n’est pas très concentrée et je passe 2 jours à l’obtenir en alimentant un grand feu. Heureusement le diamant vert, le lieu de résidence qui m’accueille, est encore en travaux et je peux brûler les « déchets » du plancher qui est en train de se construire.

Beaucoup de feu, beaucoup de pré-trempage, la préparation des fibres qui est déjà assez longue et physique d’habitude, devient le centre de mon travail, là où je concentre mon énergie. Je reconsidère aussi mes attentes, en changeant mes directions de cueillettes pour m’adapter à la force de la soude que j’ai. Je me recentre sur ce qui est possible. Je reviens à la source du travail quand il n’y avait pas de molécules de synthèse, pas de plaques électriques, juste les éléments naturels, cendres, eau, bois, feu, plantes, citron (pour la neutralisation du Ph).

Ici tout me ramène aux racines.

 

Parfois nous avons de la visite, et je réalise mes « tests » papier avec les personnes qui sont curieuses de mon art.

Guadaloupe vient faire le premier grand format avec moi, c’est une femme shaman qui habite Longo Mai sur les hauteurs de la côte pacifique. Elle se réjouit du travail à partir des plantes et me raconte comment ses ancêtres extraient la fibre du bananier. J’imite ses ancêtres pour amollir la fibre du tronc du bananier en la frappant avec une pierre avant de la cuire.

Benoît Lachambre, un danseur et chorégraphe québécois fondateur de la compagnie Par.Bl.Eux, vient aussi découvrir le lieu de Marie et nous profitons de ces jours pour créer ensemble un papier en duo. Il est fasciné par la délicatesse et la sensualité de cet art de la dentelle végétale. En retour je suis émerveillée par la qualité de corps qu’il a et qu’il éprouve chaque jour dans les vagues. A ses côtés je deviens plus consciente de mon corps et le laisse s’exprimer encore plus tel une plante par toutes les antennes de ma peau reliées jusqu’à mon centre. Grâce aux vagues je me sens aussi lavée de mes limitations et retenues, et mon corps devient fleur.

 

Aïdée

Uvita

9 février 2022