Sphères papier végétal

Tiens, il pleut !

Installation lumière et papier végétal 2011

 Acquis par le fond d’art contemporain du Var

Sphères en papier végétal fait main selon les techniques chinoises d’extraction de la cellulose et de fabrication du papier, en fibres de celluloses de folle avoine, iris, ginkgo, peuplier, érable, hêtre, châtaigner, fougère, micocoulier, palmier, yucca, fibres natures ou teintes par des procédés de teinture végétales, au curcuma, à la garance ou au yèble.

L’installation est née après la catastrophe de Fukushima. J’étais sidérée par l’ampleur de cette catastrophe nucléaire qui répandait la radioactivité dans l’océan pacifique. Contrairement au moment de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl qui a eu lieu quand j’avais 14 ans, je n’ai pas imaginé un seul instant que la radioactivité allait rester confinée aux frontières visibles ou invisibles que pensent les humains. J’ai donc créé cette installation en hommage à l’eau et en tristesse avec ce qui se passait, en me demandant, comment réagir ? Fallait-il manifester encore ? Fallait-il pleurer en prière au fond de moi même ? J’ai choisi la voie de la création. L’installation « Tiens, il pleut ! » marque l’idée d’un quotidien, soudain perturbé par un événement extérieur et qui fait écho à son monde intérieur. C’est une pluie de tristesse, c’est la pluie de l’océan radioactif de la côte japonaise qui pleure sur le monde. Les écritures en filigrane dans la délicate et transparente surface végétale, reprennent des slogans de manifestations tel « Il est interdit d’interdire ! » ou encore « Nous sommes les graines de révoltes que vous avez semé », etc… Elles sont inscrites visibles vers l’extérieur. D’autres écritures en filigranes reprennent des phrases écrites dans des journaux intimes et sont lisibles par l’intérieur des sphères.

Les sphères papier exposées sont de fines dentelles de papier végétal de fibres brutes. En suspension, elles flottent dans des raies de lumière, laissant entrevoir des écritures.
C’est pour moi un espace émotionnel à traverser, quelque chose d’intime qui se projette en ombre au sol, ici, où nous semons la vie.

J’aime m’immerger dans la nature – Article pour Watermark le bulletin de l’iapma.

J’aime m’immerger dans la nature. Sentir profondément d’où je suis, d’où je viens… Le rythme des saisons, l’impact de la terre, son humidité, sa chaleur, le cosmos qui nous entoure. Tout cela me met en mouvement.

Un jour la découverte de la technique de fabrication du papier  m’a offert de sublimer cette rencontre avec le végétal. Plus qu’un simple support, le papier végétal se dévoile pour moi, un mode d’expression à part entière. Le processus de transformation de cette matière me fascine, il est en résonance avec mon travail personnel, intime, de construction de moi, là où nature et culture prennent sens. J’utilise les plantes à papier locales pour fabriquer mon papier. Chaque plante apporte une qualité qui la prête à une forme et à un usage spécifique. Leur transformation en celluloses par l’alchimie des cuissons en lessive de cendres, révèle une matière vivante et changeante au fil des saisons. Les fibres sont ensuite neutralisées pour être travaillées à PH 7.

J’ai adapté la technique du papier « japon » aux fibres locales, celles qui m’entourent. Attirée par les textures diaphanes des papiers « Japons », j’ai découvert que lorsqu’on utilise directement les végétaux pour extraire chimiquement la cellulose, on obtient des fibres beaucoup plus longues que celles des papiers de bois où les fibrilles sont souvent cassées. Avec l’ajout du Néri, cette substance visqueuse extraite de plantes, les fibres s’étalent et cela rend le papier extrêmement fin, propre à la transparence, malléable et résistant.

Pour faire mes filigranes, j’utilise des jets d’eau en pulvérisation. Les sillons incisifs, séparent la barbe des fibres, les jets tombent en pluie, ruissellent sur la pulpe. J’écris en filigrane. Les mots sont omniprésents, même dans le silence, le bain de langage est là. L’inscription en filigrane se lit par transparence grâce à la lumière. C’est une expression secrète, qui est liée au fond, qui fait corps avec le papier. La surface est trouée, fragilisée par la trace de l’écriture, par le marquage de l’eau. Le papier témoigne de l’altération, rappelle la naissance et la mort. Le papier issu de l’eau, en y retournant se décompose et se dissout. A nouveau je peux reconstituer une feuille de ces restes. Éternel recommencement, il évoque la nature même de notre être sans cesse recyclé, reformé.